Hospitalisés
pour addiction aux jeux en ligne
Cet automne, deux joueurs français
de « World of Warcraft » ont été admis en hôpital psychiatrique.
L'un d'eux avait passé trois semaines non-stop devant
son écran.
Les jeux vidéo peuvent-ils nuire à la santé mentale
de leurs utilisateurs ? La question mérite d'être
posée à la lumière de l'actualité récente.
Début décembre, un homme de 38 ans
mourait d'épuisement en Corée après avoir passé
dix jours non-stop à jouer en ligne. Et depuis
cet automne, ce sont deux joueurs français
qui sont hospitalisés. Agés d'une vingtaine d'années,
les jeunes gens n'arrivaient pas à décrocher du jeu
en ligne World of Warcraft,
en passe de devenir un véritable phénomène de société
avec près de 5
millions d'adeptes dans le monde.
Enfermée dans sa chambre trois semaines durant,
l'une de ces victimes a du être arrachée de son ordinateur
pour être hospitalisée d'office. L'autre l'a été à la
demande de ses parents, après avoir perdu quinze
kilos.
Un problème qui touche les joueurs prédisposés
Pour autant, d'après Michael Stora, psychiatre
à l'origine de ces hospitalisations, le jeu seul n'est
pas responsable de cette situation. Même si 98 %
des joueurs qui viennent le consulter en raison d'un
problème avec les jeux sont tous accros aux MMORPG (Massive
Multiplayer Online Role Playing Game, soit jeu de
rôle en ligne massivement multijoueur), comme World
of Warcraft. « Ces jeux, par l'immersion qu'ils procurent
et leur absence de fin, révèlent et favorisent une conduite
addictive, là où elle existe déjà. Si le joueur n'a
pas de problème addictif à la base, ce type de jeu n'en
créera pas », explique-t-il.

Une opinion que partage le docteur Marc Valeur, chef
de service à l'hôpital Marmottan de Paris et
spécialiste des pratiques addictives. Ces dernières
années, une centaine de dépendants aux jeux vidéo sont
passés par son service, généralement des hommes de 16
à 25 ans, plus rarement de 40 à 45 ans. « Ils sont
introvertis et timides et dans beaucoup de cas issus
de familles conflictuelles, qui utilisent le jeu pour
s'extérioriser. Nous sommes dans des addictions de refuge,
moins dangereuses que des addictions de prises de risque
comme la toxicomanie. »
A moins qu'elles ne cachent des problèmes sous-jacents,
comme pour les deux joueurs hospitalisés, l'un étant
schizophrène et l'autre souffrant d'une grave dépression.
Créer des garde-fous
« En 2006, il y aura un million de joueurs
de MMORPG en France, il faudrait créer une éthique
pour que ces jeux restent un espace de loisir. Avant
que l'on nous annonce un mort », préconise Michael Stora.
Du côté des éditeurs, l'appel a été entendu au moins
par Blizzard. La compagnie, menacée d'un procès
en Chine par les parents d'un joueur de 13 ans mort
à la suite de son addiction début novembre, a mis en
place voici quelques semaines un contrôle parental
sur son jeu World of Warcraft. Grâce à ce système,
les parents - propriétaires du compte - peuvent définir
des plages horaires réservées au jeu, avec une déconnexion
automatique du joueur lorsqu'il dépasse ces plages.
En revanche pour les joueurs adultes, aucune modalité
de contrôle n'est prévue.
Avant même de modifier le jeu, Michael Stora appelle
à plus de responsabilité de la part des patrons de
salles de jeu : « Le deuxième joueur hospitalisé
avait passé un mois et demi dans une salle de jeu en
réseau. Son état de santé se dégradait visiblement,
mais le patron n'a rien fait. On pourrait mettre sa
responsabilité en cause pour non-assistance à personne
en danger. »
Ce que réfute Ralph Feingold, gérant de trois salles
XS Arena à Paris. « Nous n'avons aucune responsabilité
juridique. Nous nous comportons face aux gros joueurs
comme un buraliste face à un gros fumeur. Nous n'avons
pas de règles de conduite particulièrement. Dans nos
salles, les joueurs sont séparés des autres internautes
à cause du bruit et nous ne leur demandons de rentrer
chez eux que lorsqu'ils s'endorment sur le clavier.
»
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